Le loup pourrait bientôt ne plus être considéré comme une espèce protégée en Europe. Le Parlement vient d’adopter une résolution qui devrait rouvrir la directive « Habitats », aujourd’hui principale garante de la protection de la biodiversité. Que de bêtises ai-je pu entendre aujourd’hui ! Le loup a été désigné comme l’ennemi public n°1 des éleveurs. C’est tellement plus facile de désigner un bouc émissaire pour éviter de voir les causes réelles des difficultés des éleveurs !
Les attaques de troupeaux sont nombreuses et toujours dramatiques. En tant qu’éleveur, je peux imaginer la détresse de mes pairs quand ils sont confrontés à une attaque. J’imagine aussi la peur de retrouver ces animaux décimés. La recrudescence des attaques est à pendre au sérieux et nous ne pouvons laisser les éleveurs sans réponse.
Tuer tous les loups ne préservera pas les élevages des attaques de troupeaux. Apprendre à cohabiter n’est pas UNE solution, c’est LA seule. C’est d’ailleurs ce que les éleveurs italiens des Alpes ont réussi à faire. Cela a nécessité du temps et une (ré)invention des pratiques d’élevage. Certes, les éleveurs ne peuvent plus laisser leurs animaux sans surveillance dans les estives pendant plusieurs semaines. Mais un équilibre a été trouvé et il leur bénéficie aussi : plus il y a d’animaux sauvages dans les estives, plus les sols sont fertiles, plus il y a de quoi faire pâturer les animaux d’élevage.
Pourquoi les Italiens pourraient-ils faire du loup un allié de l’élevage et pas les Français ? Car c’est bien le vote des Français, et en particulier des Français du groupe En Marche qui a pesé dans la balance. Si à l’origine, le texte prévoyait des mesures pour une meilleure cohabitation du loup et de l’élevage, le texte final a été complètement transformé par les Marcheurs français, marquant une nouvelle fois leur nature démagogue, populiste et proches des lobbies de la chasse.
Quand le loup est revenu en Poitou-Charentes, j’avais plaidé pour un soutien au développement du Baudet du Poitou, un âne qui effraye les prédateurs et prévient les attaques. Si le Baudet ne peut être l’unique solution, chercher les animaux qui peuvent mieux protéger les troupeaux en fait résolument partie. Cela permettrait même de relancer l’élevage de races dont certaines sont menacées.
Le loup est également un allié de la biodiversité. Sa présence favorise la diversité biologique, entretient les espaces naturels sur lesquels il est installé. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé à Yellowstone, aux Etats-Unis, où la réintroduction du loup a permis de réguler la présence de cervidés et de restaurer la biodiversité.
A l’heure où l’effondrement de la biodiversité s’accélère de manière dramatique, tuer sciemment une espèce (aujourd’hui encore) protégée ne peut être une option acceptable ! Nous ne pouvons pas continuer à vouloir mettre la nature au pas. Nous devons au contraire apprendre à s’y adapter, mettre des moyens financiers pour permettre cette adaptation et amorcer des cercles vertueux pour apporter des réponses durables et efficaces aux éleveurs. Elles existent, il faut (juste) se donner les moyens de les mettre en œuvre et ne pas se vautrer dans la démagogie et le clientélisme.
Benoit BITEAU