Procès-bâillon de Valérie Murat contre l’imposture du label « Haute Valeur Environnementale » : quand arrêterons nous d’accabler les lanceurs d’alerte ?


Procès-bâillon de Valérie Murat contre l’imposture du label « Haute Valeur Environnementale » : quand arrêterons nous d’accabler les lanceurs d’alerte ?

Article
Accueil Benoît Biteau
 
| Benoît Biteau | Divers | Divers  Vu 48175 fois
Article N°25702

Procès-bâillon de Valérie Murat contre l’imposture du label « Haute Valeur Environnementale » : quand arrêterons nous d’accabler les lanceurs d’alerte ?

Aujourd’hui, je me suis rendu à Bordeaux aux côtés de nombreux∙ses manifestant∙e∙s pour apporter mon soutien à Valérie Murat, accusée et condamnée en première instance par le tribunal de Libourne pour « dénigrement » de la profession viticole le 25 Février dernier. Entre autres, elle est condamnée à verser 125 003 euros de dommages et intérêts au conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) et 25 autres plaignants (domaines, fédérations, intermédiaires et syndicats viticoles).


Fille d’un vigneron décédé en 2012 d’un cancer lié aux pesticides et porte-parole de l’association « Alerte aux toxiques », Valérie Murat avait réalisé des analyses montrant la présence de 28 substances actives de pesticides cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) et/ou perturbateurs endocriniens, dans 22 vins de Bordeaux pourtant labélisés « Haute Valeur Environnementale » (HVE).

Réaliser et diffuser en toute transparence et le plus largement des analyses qui pointent la publicité mensongère d’un label présenté comme environnemental, est-ce dénigrer une profession ou lancer une alerte pour informer objectivement les consommateurs sur la qualité réelle de ce qu’ils achètent ? Le tribunal de première instance a tranché en faveur du « dénigrement », et donc pour le CIVB…

Le procès ne s’arrête toutefois pas là. Dans son droit, Valérie Murat souhaite faire appel de cette décision mais le CIVB et les autres plaignant∙e∙s souhaitent que cet appel soit conditionné au versement préalable des 125 003 euros de dommages et intérêts. C’est cette question précise qui était au cœur de l’audience d’aujourd’hui. Les avocats des deux parties ont argumenté devant le tribunal de Bordeaux ; le verdict sera rendu le 10 novembre prochain.

Après cette longue introduction, je me permets tout de même un commentaire sur ce que j’ai pu voir aujourd’hui. L’argumentaire des avocat∙e∙s du CIVB se résume en trois mots : elle peut payer. Ils ont pour cela versé des documents au dossier que je trouve particulièrement indécents, suggérant qu’elle puisse vendre la maison dans laquelle habite sa mère (qui en a l’usufruit). On peut bien mettre une retraitée à la rue, veuve en raison d’une intoxication aux pesticides, pour payer des indemnités aux viticulteurs qui épandent des pesticides et intoxiquent les riverain∙ne∙s ? L’indécence de ce raisonnement m’est insupportable, et confirme cyniquement que des vies comptent bien moins que leur business. Chaque vie perdue en raison de l’exposition aux pesticides est celle d’une femme, d’un homme, qui sont aussi une fille, une sœur, une mère, une amie, un fils, un frère, un père et un ami, et dont le départ dans de telles conditions ne propose qu’un champ de ruine, une douleur imp(e)ansable face à une telle injustice.

Comment des viticulteurs∙trices bordelais∙e∙s, qui vivent bien de leur métier, peuvent-ils∙elles cautionner une telle défense ? Et au-delà, comment un vignoble aussi prestigieux que le Bordeaux peut-il souscrire à un label aussi minable que le label HVE ? C’est s’auto-saborder que de poursuivre des lanceurs d’alerte devant les tribunaux pour défendre un label aussi faible !

Je rappelle tout de même qu’un∙e viticulteur∙trice qui dépense moins du tiers de son chiffre d’affaires dans des pesticides et engrais de synthèse peut être labélisé « Haute Valeur Environnementale ». Au regard du chiffre d’affaires des viticulteurs∙trices bordelais∙e∙s, dont la renommée du produit permet de faire des marges plus que confortables, je n’aimerais pas être leur voisin si le tiers, ou même le quart ou le dixième de leur chiffre d’affaires est dépensé dans l’achat de pesticides !

Ce constat ne fait que renforcer mon admiration sans borne pour ces guerrières, guerriers du quotidien de la lutte contre les pesticides dont le combat fondamental est à la fois essentiel et urgent. Merci Valérie !
 

Benoît BITEAU

Lien :https://alerteauxtoxiques.com/

  • 0
    • j'aime
    • Qui aime ça ? »
  • 0
    • je n'aime pas
    • Qui n'aime pas ça ? »
  •  
 

Réagissez, commentez !

  • Aucun commentaire pour l'instant
rechercher un article, une vidéo...